« It is easier to build strong children than to repair broken men. » Frederick Douglass
Qui dit février dit « Black American History Month». Les enfants évoquent à l’école la vie d’hommes et femmes noirs exceptionnels. Vous connaissez Rosa Parks, Martin Luther King ou Malcolm X. Mais savez-vous que Misty Copeland nommée danseuse étoile l’été dernier était la première danseuse étoile noire ? Connaissiez-vous George Washington Carver ? Je devais encore écouter Jade d’une oreille distraite : «George Washington n’était pas noir, Jade ! – Washington Carver maman…. Tu te rends compte il a inventé des … centaines de façons d’utiliser les cacahuètes !!!!»- « Ah ouais ? génial ! » . J’ai quand même googlisé le Monsieur et j’ai trouvé ces mots de Roosevelt à sa mort en 1943 : “All mankind are the beneficiaries of his discoveries in the field of agricultural chemistry. The things which he achieved in the face of early handicaps will for all time afford an inspiring example to youth everywhere.”. Respect
« Twelve years a slave » de Solomon Northup ça vous dit forcément quelque chose. Mais aviez-vous déjà entendu parler de Frederick Douglass, archi connu ici, et dont j’ignorais tout avant de lire son autobiographie, « Narrative of the Life of Frederick Douglass, an American Slave » (1845). Né, esclave Frédérick Douglass réussit à se libérer en s’enfuyant dans le Nord et devient ensuite l’un des intellectuels de son temps. Eminent orateur, il racontait sa propre histoire dans des conférences pour défendre la cause abolitionniste. Il sera aussi le premier citoyen noir à occuper un poste de haut rang dans le gouvernement américain. Il défend enfin le droit de vote pour les femmes pour les mêmes raisons qu’il le défend pour les noirs. Les femmes lui reprocheront ensuite d’avoir soutenu le 15ème amendement de la constitution qui donnait le droit de votes à tous – indépendamment de leur race ou couleur de peau – pourvu qu’ils fussent des « male »… Nobody’s perfect.
Dans son autobiographie, Douglass nous livre sa réflexion sur la condition de l’esclave. Imaginez vous esclave, comme lui… Dans l’incipit Frederick annonce qu’il ignore sa date de naissance. Un détail ? Peut-être, symbolique quand même. Pas facile pour vos amis Facebook de vous fêter votre anniversaire, ami esclave… Avec un peu de malchance, votre maître est peut-être aussi votre père car il a violé votre mère, ce qui ne l’empêche pas de se montrer très assidu à l’Eglise et de fustiger l’adultère. S’il vous fouette plus fort que les autres c’est pour ne pas paraître trop indulgent. A la naissance, on vous a séparé de votre maman, vous serez vendu régulièrement et devrez à chaque fois quitter famille et amis. Vous ne savez évidemment pas lire. Vous me direz que beaucoup d’entre nous se contentent de faire des photos et de mettre des commentaires laconiques sur leurs posts…Mais bon, rendez-vous compte… ne pas savoir lire signifie que vous ne pouvez pas lire mes chroniques ! Frederick ne se laisse pas abattre, il apprend à lire, par hasard, auprès de la femme d’un de ses maîtres. Le mari découvre la chose, enguirlande l’étourdie en lui expliquant devant Frederick qu’il faut maintenir les esclaves dans l’ignorance de peur qu’ils ne se révoltent. Malheureux ! Il ne croit pas si bien dire. Ca fait tilt chez Frederick : “Once you learn to read, you will be forever free.”. Obéissante, la femme abandonne ses leçons pourtant. Qu’à cela ne tienne, les petits voisins blancs de Frederick ne sont pas tous riches… Alors il a une idée de génie : nourritures spirituelles pour lui, le petit noir, contre nourritures terrestres pour eux, les petits blancs. Chacun ses valeurs. Il négocie des leçons de lecture contre du pain, Bread of knowledge contre bread tout court. Et voilà le reste n’a plus qu’à se dérouler jusqu’à la libération finale. Je ne vous raconterai pas tout mais franchement quel homme, alliant courage intellectuel et physique, il passe un jour à l’action « I prayed for freedom for twenty years, but received no answer until I prayed with my legs. ». Quel message retenir de ce livre ? Par exemple un message qu’il a toujours transmis à ses frères de chaine : “Our destiny is largely in our hands.”
A la sortie de son livre, ses détracteurs le dénoncent : l’élégance même de sa prose montrait qu’il ne pouvait pas avoir été écrit par un noir ! Logique blanche sans doute.