« Fiddler on the roof » (un violon sur le toit) – à voir à Broadway avant fin décembre 2016
« If I were a rich man »… j’irais peut-être voir Hamilton (à 1.200 dollars la place en vente officielle et 3.000 dollars à la revente)…mais en attendant il y a d’autres petits bijoux à Hollywood plus abordables.
Créé en 1964 par Jérome Robbins (mise en scène et chorégraphie), « Fiddler on the roof » fait partie des classiques de Broadway les plus souvent représentés. Le livret de Joseph Stein (musique de Jerry Bock, lyrics de Sheldon Harnick) est inspiré de l’œuvre de Sholem Aleichem. Il raconte la vie d’une famille juive autour du Pater Familias, le laitier Tevye, dans le petit village de Anatevka au sein de l’Empire russe à la veille de la révolution. Il évoque l’origine de l’émigration juive aux Etats-Unis à la fin du XIX provoquée par la multiplication des pogroms en Russie. Alors que le monde change et court violemment vers sa perte (c’était déjà le bordel avant contrairement à ce qu’on semble croire parfois), la petite communauté juive d’Antevka se croit à l’abri, protégée par ses traditions. Or ces traditions chancellent y compris dans le petit village : les filles de Tevye les unes après les autres veulent prendre leur autonomie et épouser l’élu de leur cœur (d’abord le plus pauvre du village, puis le radical communiste revenu de la ville, puis horreur des horreurs, le goy chrétien) plutôt que le « perfect match », riche mais vieux, choisi par la « matchmaker ».
Dès les premières mesures, la passion de la musique juive vous prend aux tripes et vous transporte de joie et de tristesse à la fois. Vous avez envie de danser. Les puristes – d’un certain âge – qui ont vu ou entendu parler de la version originelle de 64 regretteront la beauté de la chorégraphie de Robbins et le talent comique de Zero Mostel dans le rôle du laitier. Les jeunots comme moi qui découvrent l’œuvre dont c’est pourtant la sixième reprise (je n’ai pas vu le film non plus) apprécient la mise en scène de Bartlett Sher (déjà fort appréciée dans « the King and I ») et la chorégraphie de Hofesh Shechter. Shechter associe subtilement danse contemporaine et danse folkorique : quelle belle « battle » dans le bar où s’affrontent et se mêlent tout à la fois danses traditionnelles juive et russe. Le numéro de danse fait ressortir la proximité de culture qui unit les deux communautés que leurs religions opposent. Shechter sait aussi rendre hommage à Robbins. Il a gardé dans sa version primitive la danse des bouteilles du mariage, danse magique qui vous tient en haleine au son des clarinettes klezmer.
Alors que Cats repris à Paris cet été m’a laissée de marbre (ça a mal vieilli), j’ai été profondément touchée par cette Comédie musicale, plus intellectuelle que la plupart des autres œuvres du répertoire, disons avec plus de fond. Là où on aime généralement soit la musique, soit la danse, soit la mise en scène… ce spectacle est complet (des beaux chœurs alternent avec des duos émouvants) et vaut aussi par l’histoire et la qualité du texte. Certains ont critiqué le parti-pris de Sher qui fait monter sur scène au moment du prologue le personnage du laitier habillé en costume moderne. Il découvre – tel un descendant de ces juifs là – la ville vide et y fait surgir les personnages du livre qu’il lit. Il saute avec eux dans l’histoire. A la fin, il rejoint – toujours en habit moderne – le cortège des exilés qui fuient le village. Cette mise en scène se veut en lien avec l’actualité du Moyen-Orient. C’est plutôt bien vu et pas tiré par les cheveux quand toute la pièce parle de racisme, de peur de l’autre, d’antisémisme, de guerre de religion, de libération des femmes de la religion et des traditions qui les tiennent sous la coupe de leur mari (les monothéismes ont bien des points communs)…
Les interprètes sont excellents, surtout Danny Burnstein, cet habitué de Broadway, nominé x fois aux Tony Awards. Il interprète un Tevye à la fois drôle et émouvant sans pathos ni comique excessif. Ce Job truculent ne cesse d’interpeler – notamment avec ses mains – un dieu muet qui semble s’acharner sur son peuple, pourtant élu.
Cette version de « Fiddler on the roof » n’est pas un succès commercial (le show va s’arrêter après seulement un an de représentation) mais il vaut vraiment la peine d’aller le voir, y compris avec vos ados. Evidemment pas de happy ending (West Side Story non plus…)… Constance et Victoire ont adoré (Victoire préfère quand même les musicals qui finissent bien). Dans notre top 10 familial assurément.