Lockdown drill

Who’s Afraid Of The Big Bad Wolf ?

La semaine dernière, nous avons eu une réunion au collège sur l’enseignement de l’anglais. Question métaphysique : comment avoir la certitude qu’un enfant maîtrise bien son vocabulaire ? L’un des profs arguait que les élèves devaient apprendre les définitions des mots par cœur, l’autre qu’il fallait que les enfants sachent utiliser le mot dans un contexte pertinent. Le prof d’anglais de Jade est plus exigeant. Il fait apprendre la définition par cœur tout en mettant le mot en scène.Hier, dans mon car pooling des p’tits, il n’y avait que des filles. Elles sont arrivées en me disant : « On a bien rigolé aujourd’hui ! – Ah oui pourquoi ? – Bah dit Jade, on faisait une leçon de Wordly Wise et Monsieur Kiok était en train de nous dire la définition de «abrupt» : « something happening suddenly without notice ». Soudain on a entendu «Attention, this is a lockdown drill, please take refuge immediately. This is only a drill. Alors on s’est marré, tu comprends. C’était énorme. » .

Les filles ont ensuite raconté le détail de cette petite répétition générale en costumes pour préparer les élèves et les enseignants contre les tireurs psychopathes, qui – parce papa et maman ont pour habitude de leur offrir une nouvelle petite arme automatique à chaque anniversaire -, attaquent parfois l’école du coin quand ils ont une légère contrariété le matin. Enfin, je dis parfois. Sur 3 ans, de 2012 à 2015, il y a quand même eu 160 attaques 59 morts et 124 blessés dans des écoles ou des universités. Mais ne paniquons pas, nos enfants sont préparés au pire. On leur explique le but du jeu : un cache-cache géant pour gagner du temps : 2 minutes (paraît-il), durée moyenne pour que la police arrive. Jade connaît la procédure par coeur : « alors, on dirait que la maitresse irait chercher les enfants dans les toilettes et puis chaque classe s’enfermerait. On pousserait un meuble devant la porte, on fermerait les volets, on dirait qu’on éteindrait la lumière et on se cacherait loin de la porte et loin des fenêtres. On essaierait de se mettre sous le bureau ou de se cacher derrière les armoires. Et surtout on arrêterait de parler. Sauf, hier maman, on se marrait bien. On a eu du mal à arrêter de rigoler. T’aurais vu M. Kiok comme il a sursauté ».
Dans la voiture, sans doute pour que je réalise bien ce qu’une lockdown drill peut faire sur les nerfs des enfants, des enseignants et espérons-le de l’assaillant, Alix répétait le message en boucle –façon psychopathe – de sa voix fluette : « Attention, this is a lockdown drill, please take refuge… ». Et Louise de renchérir en contrepoint : « ah oui c’était vraiment une voix horrible… », hyper grave, genre scary quoi. En tous cas, j’ai été contente de n’avoir pas les garçons dans le carpooling. L’autre jour, ils s’amusaient à comparer les dégâts entre un crash d’avion et un crash de train : c’était deux ou trois jours avant l’accident dans le New Jersey. L’avis général était qu’un accident de train était beaucoup plus dangereux. Et les boys de supputer les chances de survivre si on sautait d’un avion en vol pour plonger dans la mer. Chacun donnait son avis sur la position à adopter pour limiter les dégâts. Ils sont ensuite passés au crash de voiture… jusqu’à ce que les filles, agacées, leur demandent de changer de sujet…
Le soir à table, Victoire nous a refait la Lockdown drill façon polarde au collège : « Bon, moi quand c’est arrivé, j’étais en train de rendre mon contrôle d’anglais à ma prof. J’ai pas compris pourquoi elle ne l’a pas pris. Elle est allée fermer la porte et nous a dit de nous cacher. ». En résumé : quelle perte de temps quoi, alors qu’on a tellement de choses plus importantes à faire ! A cet âge-là on a un avis sur les procédures : « le plus efficace c’est de se cacher dans les toilettes. Là-bas y a des portes en fer. C’est quand même plus difficile à ouvrir que les portes de classe. Pour les classes, il suffit de péter la vitre et tu ouvres la porte. – Ah oui ? ». Et puis pour nous tester ils sont venus taper aux portes en criant « the lockdown is over ». Du coup dans la classe d’à côté, ils ont commencé à hurler de joie. « Ils sont tous morts » nous a dit la prof. – Victoire est dans une classe de polards qui obéissent au prof- Tu comprends, on n’a pas le droit d’ouvrir. Il faut se taire et se cacher jusqu’à ce qu’un police officer entre avec une clé et vienne nous délivrer. Sinon pour les tireurs, c’est trop facile, il leur suffit d’aller à l’office et de lancer le message. Bon, mais tu vois notre classe elle craint un peu quand même : elle est juste au rez-de-chaussée. Mais des tireurs j’pense pas qu’ils rentreraient par la porte principale. Parce que s’ils rentrent par la porte principale, s’ils tournent à droite ouf c’est bon, mais s’ils tournent à gauche, on est mal. » Jade d’intervenir alors : « bon nous ça va, on est au deuxième étage, ça laisse du temps à la police d’arriver. De toutes façons on a tout prévu avec Monsieur Kiok. Quand on lui a demandé « what if ceci ou what if cela… », il a dit « don’t worry there will always be a teacher. Trust your teacher ». Tu vois, on est prêt pour tous les scénarios. Et puis heureusement nous la police ils sont juste en face de l’école. Alors tu vois les méchants, ils vont pas nous attaquer quand même…. Ils sont pas complètement débiles quand même. ». Je n’avais évidemment pas vu ça sous cet angle : les psychopathes, ils sont fous mais pas débiles. C’est pas les garçons qui m’auraient rassurée comme ça, eux l’année dernière les commentaires c’était plus du genre : « non mais tu comprends, si un terroriste attaque, c’est quand même pas la petite armoire qui va nous protéger contre les bullets…, parce que les terroristes ils sont trop forts eux. »

Who’s Afraid Of The Big Bad Wolf ? C’est pas nous, c’est pas nous…

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