« All talk and no Action ! » va encore brailler le Donald. Résister c’est bien gentil, mais c’est plus facile à dire qu’à faire quand on
est une Desperate Housewife du Westchester (DHWFW). Alors quand elle a vent de la Women’s March à Washington, l’Housewife saute sur l’occasion et rebondit. Evidemment, Washington n’est pas la porte à côté mais notre amie se refuse à céder à la facilité : la Sister March de New York ? Vous vous moquez : elle n’aime pas les marches «Washington Dry ». Dans la marche comme dans les chips elle ne jure que par le label « original ». Quelle est sa légitimité en matière de féminisme ? en tant que française ? Mais la légitimité, who cares ? Trump a bien été élu Président.
Pour défiler, il faut d’abord former une team. L’Housewife se rappelle le proverbe préféré de Jade, sa petite dernière : « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Qu’à cela ne tienne, affrétons un bus et hop un email aux copines… qui rivalisent d’ingéniosité créative pour poliment décliner : « mon chéri ne sait pas comment on allume le micro-onde, … je préfère marcher à New York, …ah zut je viens de déposer mon dossier carte verte tu comprends c’est risqué,… c’est con mais je reviens de Washington hier, mon chaton fête son anniversaire ce jour-là …! Après un moment de désespoir intense, elle reçoit l’email d’Hanane qui trouve que c’est une idée GENIAAAALE. Le bus se transforme en voiture et il faut bien avouer : un petit gabarit plus un petit gabarit ça fait pas toute une équipe de Football Américain. En cas de castagne il faudra courir vite, ce qui n’est pas la compétence majeure de la DHWFW. Point positif : à deux on s’entend plus rapidement pour décider où aller, à quelle heure on arrête…
Une fois la dream team formée, nos deux commères organisent leur expédition comme si elles partaient dans une zone de guerre au Pôle Nord. Woody Allen sort de ce corps : «Hanane tu sais changer un pneu toi ? en même temps, au pire on appellera Jean-Charles… , si on meurt, on dira à Augustin et à Jean-Charles de se pacser pour s’occuper des enfants … ah tu crois qu’Augustin serait pas vraiment d’accord ?, ….on va encore me péter un rétro et je viens juste de faire changer l’aile avant de la voiture, …Jean-Charles va trouver que j’abuse ,… ah Hanane, surtout n’oublie pas ta carte de mutuelle, je suis pas sûre que mon plafond de CB soit suffisant pour que l’ambulance te ramasse si
tu fais une crise cardiaque et moi j’ai mal au dos, je pourrai pas te porter,… t’as vu dans les news hier, les casseurs ont quand même détruit une vitrine Bank of America à Washington. …Je me sens un peu fiévreuse ce soir, Hanane, tu crois pas qu’on ferait mieux de rester au chaud demain ? – Ne t’inquiète pas Laurence tout va bien se passer : à demain 5 heures, je compte sur toi ». Samedi 4h30, Laurence fait semblant de ne pas entendre le réveil : « allez Rosa Parks debout, il faut que tu ailleurs sauver le monde. The Future is female… Go women ! Je te prépare ton petit déj. Tu veux un café ? » dit Jean-Charles tout attentionné.
Quelques heures de route plus tard, après avoir échappé au pneu crevé, à l’accident, aux hauts-le-coeur
dans les chiottes de mecs etc…. les filles se retrouvent dans un métro flambant neuf, ce qui change de celui de NY. La rue est carnavalesque, les gens chantent du George Michael « Cause I gotta have faith / I gotta faith / Because I gotta to have faith faith » et dansent. Le temps est juste parfait. Mais quelque chose cloche : « Hanane pourquoi toutes les femmes portent-elles un chapeau rose à oreilles, c’est moche non ? – oui Laurence, c’est un « pussy hat », tu verras ça fera génial sur les photos satellite mais moi je ne vais quand même pas porter cette horreur ». Hanane est une adepte du féminisme chic « – Purée, j’avais pas lu les 253 pages de consigne jusqu’au bout, Hanane, il faut ABSOLUMENT que j’en achète un, sinon ma journée sera FICHUE – T’as vu la couronne de la mamie là-bas ? Trop cute ».
Hanane et Laurence commencent leur safari, leur chasse aux panneaux. Elles se mêlent à une Amérique bigarrée et exubérante qu’elles ne croisent pas tous les jours à Mamaroneck : des immigrés de tous continents qui ne sont ni diplomates, ni banquiers, ni femmes de ménage ou jardiniers, des lesbiennes, des gays, des transsexuels, des handicapés, des étudiants, des vieux avec leur canne ou leur déambulateur, des bibliothécaires, des instituteurs, des gens du peuple de toutes origines, venus en famille et entre potes….. Trump n’a pas le monopole des We the People. La foule présente est « Pissed off but not pissed on « , elle revendique, elle a de l’humour et un humour pas du tout politiquement correct. Ca devrait plaire à Trump. Quoique… Le « politiquement incorrect » ici ne signifie pas se donner
une bonne excuse pour être raciste ou une bonne excuse de se prétendre – tout sauf raciste – tout en votant pour quelqu’un qui l’est. Non ici on n’est pas prude, on parle cru, le « politiquement incorrect » parle d’utérus, de vagin, de vulve à tous les coins de rue. Disgusting ! Mais ici appeler un(e) chat(te) un(e) chat(e) oh pardon je devrais plutôt dire un pussy un pusssy (ça sonne moins vulgaire en anglais !) n’est pas vulgaire. Ici l’inacceptable c’est plutôt de se vanter de « grab » un pussy sans l’autorisation du pussy en question. Mais ici le « pussy grabs back ». On dénonce les symptômes de l’Amérique profonde qui veut réguler les utérus plus que les armes. La foule est très féminine mais nos amies croisent aussi de nombreux hommes qui portent des bonnets roses, des compagnons avec leur femme qui brandissent des « only weak men fear strong women », des pères avec leur fille qui revendiquent des « raising empowered daughters ». Alors il n’est jamais trop tôt pour commencer : un papa promène fièrement son bébé de 6 mois.
A côté de notre Housewife, un minister de la « United Church of Jesus Christ » chante «their body their choice ». Elle en perd son latin. Même Obama défile en bonnet rose : en effigie. Son esprit plane sur la foule. Ca se défoule un peu, allez beaucoup, contre Trump mais le plus souvent en réponse à son programme : son déni du problème climatique, sa volonté de détruire l’Obamacare, les conflits d’intérêt dans ses nominations, ses attaques contre toutes sortes de populations. Puisqu’il aime se moquer des faibles, on lui rend la monnaie de sa pièce alors qu’il est devenu l’homme le plus puissant du pays du pays le plus puissant du monde. Tout y passe : se cheveux « we don’t want a walking carpet as President », ses « tiny » hands (« stop PUTIN your tiny hands on women’s rights ») et ses « tiny balls ». Qu’il se le dise « welcome to your first day, we will not go away ». Au loin les célébrités se relaient au micro. On ne les entendpas. Mais le message de Michael Moore circule sur des pancartes : il faut appeler tous les jours le sénat pour se battre au quotidien, pied à pied en appelant son congressman. « That’s what democracy looks like » chante la foule. Est-ce un « grass roots movement « qui émerge comme il y en a eu dans ce pays dans le passé ? La foule revendique la majorité. Trois millions de voix de différence, c’est beaucoup et peu à la fois. L’autre moitié de l’Amérique croit au Sauveur qui va lui ramener tous les jobs partis à l’étranger et avale les mensonges du serial liar qui reproche aux médias ses propres vices. Cette deuxième Amérique n’est sans doute même pas au courant des foules qui défilent. Si elle en entend parler c’est sans doute par des medias qui dénoncent la « conspiracy » des médias mainstream.
La DHWFW n’est jamais allée à un rally de Trump, par peur principalement. A chaque fois qu’elle en regarde un à la télé, elle est malade des slogans de haine et des rejets, des « lock her up », « build the wall » et autres joyeusetés de la même farine. Peut être que les discours de colère et de haine soulagent ceux qui les écoutent. Tout au fond d’eux-mêmes il est probable que ces gens ressentent aussi, un petit rien, un petit truc qui leur gâche le plaisir malsain que l’on éprouve quand on déteste. On ne ressent pas ça quand on ressent de l’amour. L’amour, la générosité c’est ce que ressent la DHWFW en lisant les panneaux qui réclament de la « kindness », du pacifisme, de l’inclusion. Elle est soulagée ; ça fait du bien d’aller dans une foule où les gens clament « welcome » aux étrangers, où les gens demandent de l’intelligence, de la science, des faits, de la réflexion, où on veut « make America think again ». Elle se sent à l’aise dans cette foule-là, pas du tout en danger, Elle se sent faire partie de quelque chose plus grand qu’elle-même, qui relie les hommes entre eux. Pourvu que le mouvement ne s’arrête pas. The worst is yet to come.