Vous aimez les parades de Thanks Giving, celles du 4 juillet ? Vous ne seriez pas un peu américain vous ? Oui mais attendez, Mark Twain est catégorique : « An American has not seen the United States until he has seen Mardi Gras in New Orleans. ». Pour cette année c’est un peu loupé, à moins que vous ne soyez sur place en ce moment mais là vous n’êtes évidemment pas en train de me lire. Pour l’année prochaine, voici quelques conseils utiles.
Pas d’affolement donc, vous avez un an devant vous. Mardi Gras à la Nouvelle Orléans ça dure longtemps, très longtemps : les festivités commencent à l’Epiphanie. Tous les habitants pavoisent tout édifice encore vaguement debout aux couleurs de mardi gras, VERT, VIOLET ET JAUNE. Balcons, toits, portes, garages, escaliers, colonnes, tout. Aucun édifice privé ou public n’y échappe, églises, mairies, bars, boutiques, musées, hôtels, villas coloniales. Tout est recouvert de macarons, guirlandes, drapeaux des Krewes (ça je vais vous expliquer dans deux secondes), beads sur les arbres (ça aussi je vais vous expliquer), tee-shirts, jupes, collant, sous-vêtements, voire peau quand il n’y a plus que ça, tout y passe. Plus vous vous rapprochez de la date fatidique, plus il y a de monde et plus c’est bariolé.
Entrons dans le cœur du sujet. Qui dit Mardi Gras, dit… pa..pa…parades non mais vous suivez un peu ou quoi ?!! Là, vous avez le choix dans les thèmes : chaussures, femmes, muses, chiens, mythologie, chaos donc …Trump cette année évidemment…. En fonction de votre budget et de votre goût pour l’aventure vous pouvez vous jeter dans la foule au hasard, au dernier moment, ramener des chaises deux ou trois heures à l’avance pour être sûrs d’être au cœur de l’action ou acheter des tickets pour dominer la situation à partir d’une estrade si vous êtes un peu bourge et que vous avez des enfants. Tout se trouve sur internet : nom des parades, horaires, trajets. Vous pouvez même pister les parades en temps réel. De toutes façons, si vous avez un souci vous demandez dans la rue, vous tomberez toujours sur un local hyper sympa. Le seul petit souci : arriver à comprendre ce qu’il dit. L’accent et les expressions sudistes méritent une chronique à part entière.

Soyons clairs, le Carnaval c’est un business ici, à destination des touristes. Les parades sont organisées par des « Krewes » qui ont chacun un étendard. Ces clubs sont plus ou moins sélects et plus ou moins payants. Notre guide, Cassandra payait 50 dollars par an pour appartenir à son Krewe mais certaines « memberships » peuvent coûter des milliers de dollars voire des dizaines de milliers de dollars. Les Krewes les fortunés utilisent des professionnels pour fabriquer leurs chars (les Floats) et leurs costumes. Les clubs plus modestes demandent à leurs membres de mettre la main à la pâte. A l’origine, le Carnaval visait à attirer les touristes blancs. Les Krewes étaient traditionnellement séparés par « race » (pour utiliser le terme qu’utilisent les Américains) et par genre. Rex est un des Krewes les plus anciens, les plus prestigieux, les plus blancs aussi… Chaque année le Krewe élit un roi. Pas n’importe qui, un résident influent, notamment dans les activités philanthropiques. Si vous avez vu le Prince et la Grenouille de Disney, vous vous rappellerez peut être que le roi de Rex dans le dessin animé est le papa de Charlotte, un riche baron du sucre appelé « Big Daddy la Bouff », qui est comme par hasard élu roi chaque année. Ce type de « tradition » a la vie dure. Il faudra quand même attendre 1991 pour que le City Council décide d’interdire la ségrégation raciale dans les Krewes. En 1992, certains Krewes refuseront donc de défiler. Paradoxalement, cette politique de déségrégation ne plaît pas aux Krewes de femmes (Venus et Iris) qui vont tour faire pour conserver leur adhésion exclusivement féminine. Pas facile de faire du melting pot dans ce pays…
Une fois que vous avez choisi votre parade : préparez la petite logistique. Evidemment, il vous faut un costume : tee shirt violet et masque, chapeau de fou, perruque, tout couvre-chef avec ou sans plumes fera l’affaire pourvu qu’il soit vert, jaune, violet ou les trois à la fois. Amenez à manger, parce que vous en avez pour plusieurs heures, par exemple du « King Cake ». Rien à voir avec notre traditionnelle « galette des rois à la frangipane » (voir ma chronique sur le sujet). Le King Cake fait le même office de l’Epiphanie à Mardi Gras et ressemble plutôt aux gâteaux des rois qu’on mange dans certaines régions reculées de France et de Navarre. Une brioche améliorée.
J’arrive au conseil majeur : Apportez un sac léger et vide car nous allons évoquer l’enjeu stratégique de Mardi Gras. Bien sûr vous êtes vaguement là pour admirer les chars et applaudir les « jazz bands » de collégiens et lycéens qui les accompagnent. Mais ça c’est l’excuse : la vraie occupation sur tout le parcours de Mardi Gras c’est la chasse aux BEADS et autres babioles que les gens huchés sur les chars balancent à la foule. Alors comme vous êtes français(e), vous allez vous retenir : vous n’allez pas sauter partout, lever les bras en criant comme toute la foule autour de vous : « throw me something, mister ». Non, un peu de dignité que diable. Si vous résistez 5 minutes vous êtes très fort(e). Après vous allez vous battre et si vous êtes vicieux(se) comme la majorité des gens sur le parcours : vous vous mettez près des enfants des autres. Comme ça vous leur piquez tout ce qui leur était destiné : peluches, fausses pièces d’argent, gobelets en plastique. Si vous êtes doué(e), vous repartirez avec des kilos de merdes produites soit en Chine soit dans les usines pétrochimiques de la région qui polluent le bayou. C’est du propre ! Et en plus si vous gardez tout à l’aéroport, vous allez payer des excédents de bagages. Bien fait pour vous ça vous apprendra.