La Desperate Housewife se met à la bicyclette – “Life is like riding a bicycle. To keep your balance, you must keep moving.” ― Albert Einstein

Comme chacun sait – je veux dire les chacuns qui me connaissent un tant soit peu – je ne suis pas une grande sportive. C’est même un British Understatement de chez British Understatement. Le sport ça me gonfle. Je fais un peu tache au pays de l’Housewife du
Weschester qui garde la ligne grâce à une technique imparable : marathon et semis à gogo… Moi, dans mon cv ? à peine une ou deux heures de vélo elliptique par semaine dans le basement en regardant des documentaires et un ou deux cours de Tai-chi.
Pas de quoi casser trois pattes à un canard et insuffisant pour effacer totalement les excédents de muffins et autres hamburgers.

L’autre jour, Sybile G et Isabelle C du Parkway nous proposent des places pour le 5 Boro Bike tour : « tu verras c’est cool une petite balade en ville dans Manhattan, faut pas rater ça ». Jean-Charles qui est entré en septembre dernier au cours moyen des bikers du Westchester (je dis « cours moyen » parce qu’il y a aussi l’Ivy League, the « Big League » comme dirait Donald) saute sur l’occasion. Tu penses… monsieur et ses co-équipiers règlent leurs différents politiques dans les pentes escarpées du Connecticut tous les weekends. Manhattan pour eux c’est fingers in the nose. Si j’ai vaguement appris à faire du vélo à la maternelle, je n’ai pas encore dépassé le stade du tricyle. Le mot « balade » me rassure.

Oui mais voilà, le tour démarre à Wall Street et pour s’y rendre, le groupe a prévu de partir en vélo : direction Grand Central par le train de 5:27 am, puis métro…Fouyaya, ça a l’air compliqué tout ça. Mon Jean-Charles ça commence à le refroidir. Il essaie de trouver des excuses pour annuler d’abord, mais ça échoue. Alors avec Aurélien, le chef du cours moyen, il a prévu la voiture. Mais comme au cours moyen, ils ont des vélos légers et donc FRAGILES, il ne faut pas les entasser : deux vélos dans la voiture grand maximum (la fameuse voiture de mon carpooling reconvertie en voiture de caravane du 5 boro bike tour). Du coup pas de place pour la desperate housewife. Allez zou M’dame : transports en commun please.

Samedi, veille du départ, les Morisseau se rendent à un diner chez des amis. Encore une occasion de prendre des calories superflues. La veille Jean-Charles est allé récupérer son dossard. Je découvre le prospectus : la petite « balade » en vélo c’est en fait QUARANTE miles. Je manque défaillir. Le document précise qu’un petit entrainement régulier un ou deux mois avant la course, n’est pas totalement superflu. Alors du coup, je vais chercher mon propre dossard chez Isabelle en vélo en guise de préparation. 500 mètres ça fait quel pourcentage de 40 miles ? Pas énorme… c’est ça ? Au dîner, je décide de ne pas boire une seule goutte d’alcool. Cela étonne l’assemblée qui connait mon goût pour la dive bouteille.  «Rassurez-vous, elle n’est pas enceinte – précise le mari – Elle veut juste faire le 5 Boro. Mais bon, avec Aurélien, on va la rattraper avant qu’elle soit sortie de Manhattan – tout en partant deux heures après elle- , ». Eclat de rire général. Comme j’ai un certain sens de l’autodérision, je rajoute, que oui bien sûr je n’ai pas fait de vélo depuis la maternelle mais que le vélo ça ne s’oublie pas. « ma pauvre, on pensera bien à toi demain… ». En repartant, nos amis me disent au revoir comme s’ils me voyaient pour la dernière fois. La pression monte, je dors très très mal et surtout très très peu. Sur le point d’abandonner ? limite… mais ils connaissent pas Lolo.

Alors qu’il est 5 heures, et que Paris s’éveille, j’enfourche mon petit vélo emprunté à Victoire. Je suis partie un peu avant le groupe. Il ne faudrait pas qu’ils me voient caler dans la côte à la sortie de notre quartier Shore Acres/ Parkway. Me revient à l’esprit la chanson de Brassens « avec mon p’tit vélo j’avais l’air d’un con ma mère » que nous écoutions enfants, tranquillement installés dans la voiture lors des grands départs en vacances. Je remonte sur mon vélo. Je vais quand même pas abandonner à 500 mètres de la maison.

Photo à Grand Central dans le hall désert. Serai-je sur la photo du retour ? Finalement pas de métro : descente de la 5ème avenue. Faut s’échauffer. Le vent ébouriffe mes cheveux sous le casque. Ouf ça ne se voit pas. Les premiers rayons de soleil éclairent les buildings. Cette petite balade s’annonce bien. Après une première pause café et clopes… – je ne dénoncerai personne – nous arrivons sur les lieux du crime. Un agent du NYPD nous indique de remonter toute la foule qui s’étale à perte de vue. En bons français rebelles, nous préférons nous glisser subrepticement – devant tout le monde – dans le carrefour. Lucas et Benoit, les deux ados du groupe tchatchent à côté de moi. Ils ont prévu de nous mettre une heure dans la vue. Sans doute qu’ils veulent aller directement en Ivy League. « Il va bien y avoir un boulet dans le groupe » ironisent-ils… ». – « merci les garçons, sympa » répond le boulet – « oh pardon Madame ». Premier sms de JC : « ça va ? ». Euh comment dire ?

Le desperate boulet … donc … est hyper en forme pendant toute la traversée sur la 6ème qui via Central Park nous amène à Harlem puis au Bronx. Sur les trottoirs, des groupes de musique et autres supporters nous encouragent. Traverser Manhattan sans voiture est simplement grisant. Laure et Christine, que j’arrive à peu près à suivre dans Central Parc, papotent, histoire de se muscler la langue autant que les cuisses. Nous redescendons le FDR highway. Mon plan de secours : s’arrêter avant l’East River. Ca sera déjà pas mal. J’aurai au moins sauvé la face. D’ailleurs JC et Aurélien ne sont toujours pas en vue. Soudain surgit le Queens Boro Bridge. Le colosse me nargue. Je m’engage. Oh punaise. Ca y est les voix se déchainent dans ma tête : « Comment qu’on passe les vitesses déjà ? Oh merde je vais dérailler si je me plante de pignon – Bon Laurence je te préviens, tu vas pas descendre du vélo. – Non mais t’es gentille, on s’en fout du ridicule. D’ailleurs le ridicule ne tue pas : la preuve tu es toujours vivante. On se calme les voix, regardez là-haut, la vue doit être top. Isabelle C m’encourage « allez Laurence, bravo, continue… on va prendre une photo en haut du pont et tu verras la descente c’est génial, le pont tourne à droite et on aperçoit toute la foule». En équilibre sur son vélo elle te prend des photos, tout en pédalant comme si de rien n’était, hyper souriante. Moins sensible à l’esthétique du lieu, rouge comme une tomate, en sueur et crachant mes poumons, incapable de parler, j’atteins miraculeusement le milieu du pont. Bon bah, ça y est, obligée d’aller jusqu’au bout maintenant. Après le Qeens, restent plus que Brooklyn et Staten Island. Petit sms à JC : « 22 miles ». et toc !

Je ne vais pas vous raconter les 40 miles foot par foot. Le fait est que j’ai réussi à atteindre la ligne d’arrivée… vivante. Grâce à mes co-équipiers, notamment Olivier, qui à chaque pont me disait « allez plus que 100 mètres et c’est bon » et qui me coupait le vent dans les lignes droites. Et moi de demander tous les 100 mètres « il reste combien là ? – 55 kilomètres – et ça fait combien en miles ? ». Vous voyez un peu comme lorsque vous partez en voiture pour un long trajet avec les enfants. Dès le début ils vous disent « c’est quand qu’on arrive ? et les parents disent tous les 5 minutes, plus que 20 minutes ». Tout ça pendant 4H30. En haut du Verrazano, j’envoie une photo à JC. Les garçons sont au mile 35. Houlà, faut y aller, sinon, ils vont nous rattraper. Et ben, ils sont arrivés 5 minutes après nous. Na ! En arrivant à la maison, je regarde sur mon Facebook. Catherine avait écrit : « 95% à NY pour Macron, Laurence doit danser le pogo ». Oui, mais très intérieurement, affalée dans mon canapé, en me gavant de chips et de bière avant de m’endormir devant la télé. Si bien que le lendemain… la balance impitoyable annonçait pas un gramme de moins. Tout ça pour ça !

« Quand on partait de bon matin

Quand on partait sur les chemins

A bicyclette

Nous étions quelques bons copains

Y avait Christine y avait Alain

Y avait Isa et son conjoint

Et la Morissette »

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