Quand la Desperate Housewife quitte le Westchester pour rentrer à Meudon: Bye Bye la Skyline, vive la Tour Eiffel

Meudon, le 28 Octobre 2021

Ma chère Marion,

Long time no see. Cela doit bien faire 4 mois que nous sommes rentrés en France. Le temps passe si vite, … nous commençons à retrouver nos marques. Je ne voudrais pas te narguer mais je RE-VIS il n’y a pas d’autre mot. 

Quel plaisir de retrouver la douceur de notre climat. Of course il pleut de temps en temps mais si peu. Il suffit d’avoir toujours son parapluie sur soi.  Je ris, quand je repense à JC qui me serinait à longueur de journée : Ah nan mais y a pas à dire … le temps est quand même mieux à New York qu’à Paris et blablabli et blablabla.  Et quand je lui signalais qu’il pleuvait: ‘ ah oui c’est vrai, mais ici la pluie dure moins longtemps. Qu’est-ce que cela pouvait m’énerver. Ok novembre arrive bientôt… je vais reprendre un peu de lexomil et de vitamine D. Mais l’hiver – j’en suis certaine – sera vite passé. En tous cas, y a pas à dire, en attendant je RE-VIS.

Et puis quel plaisir de retrouver des espaces à taille humaine. Bon, c’est sûr que tout nous parait un chouia étriqué ici. JC n’arrête pas de se plaindre qu’il habite dans une maison de poupées et l’autre jour je me suis fait un gros bleu en me cognant aux meubles. Jade rouspète de ne pas pouvoir faire du roller ou des grands jetés dans le salon. C’est pas plus mal, le parquet apprécie. J’avoue aussi que, quand j’ai reçu ma copine américaine le mois dernier, je me suis dit qu’on avait un peu baissé de standing. Mettre tout en un : la family room plus le salon formel plus le salon informel plus la dining room formelle ET la dining room informelle, c’est pratique pour le ménage… mais c’est quand même vite le bordel. Je comprends pourquoi les français ont trouvé le confinement si dur. On est juste les uns sur les autres, des vraies sardines. Tu imagines : à peine 200 m2. L’horreur quoi. J’me console en m’disant que ma trace carbone a fait une chute vertigineuse. Par contre, c’est vrai que je suis un peu terrorisée quand je prends la voiture tellement les routes sont étroites. Et je ne te parle pas des parkings de Paris. J’en ai des sueurs froides. Je vis dangereusement ! Heureusement j’adore ça. La carrosserie de la voiture moins.  Pour reposer mes nerfs, quand j’ai trop peur d’abimer la voiture, il m’arrive d’aller à Paris, en train… ça aussi c’est bon pour ma trace carbone. Mardi dernier le contrôleur m’a regardé d’un air bizarre quand je lui ai demandé de poinçonner mon pass navigo. Il m’a dit d’un air affligé : faut arrêter d’écouter autant de Gainsbourg Madame et surtout arrêter de fumer comme lui… on est en 2021 pas en 1960 !

En tous cas, le train c’est pas dangereux. Ah j’allais oublier un truc de dingue :  j’avais oublié que les français mettaient les feux rouges avant le carrefour. Il m’arrive du coup de piler 20 ou 30 mètres trop tôt. D’ailleurs j’ai failli avoir plusieurs accidents : les gens n’aiment pas quand je tourne à droite au rouge ni quand je grille les priorités à droite d’ailleurs. Mais quelle joie de les entendre klaxonner. Le français est tellement vivant et puis si drôle : l’autre jour un vieux monsieur m’a fait un bras d’honneur quand je lui ai laissé le passage au stop. Les français sont beaucoup plus compétitifs qu’on ne croit, surtout sur la route. Bref, en deux mots : Je RE-VIS tout simplement. Je dirais même mieux : je RE-VIS.

Faut bien avouer quand même, le Français est un peu rude de prime abord mais au fond de lui, deep, deep inside, il est courtois, avenant, causant. Limite ouvert à la rencontre hein… comme ce type qui promenait son chien ce matin… et que j’ai automatiquement gratifié d’un sonore ‘ « How are you today honey? » avec le magnifique accent que tu me connais accompagné d’un sourire jusqu’aux oreilles. Tu vas rire, mais il m’arrive d’oublier que « we are back in France ». Tu l’aurais vu la bouche béante à s’en décrocher la mâchoire. Il a littéralement pris ses jambes à son cou,… changé de trottoir. Normalement c’est MOI qui change de trottoir dès que le chien dépasse la taille d’un chihuahua. Je me suis demandé ce qui chez moi l’effrayait ainsi au point qu’il a complètement oublié de nettoyer derrière son chien. Il a dû me prendre pour une américaine. Enfin tu aurais vu le trottoir – sans rentrer dans le détail, il y avait des déjections canines de toutes les couleurs, de toutes les tailles, de tous les âges, un véritable camaÏeu. C’était limite artistique. Je dois quand même reconnaitre, c’est pas aux US qu’on verrait ça. Ce petit désagrément mis à part, et au risque de me répéter, je RE-VIS.

En parlant de gens charmants, quel bonheur aussi de retourner chez la boulangère : « et qu’est-ce qu’on lui sert à la p’tite dame ? » qu’elle me dit d’un ton gouailleur. J’ai adoré son regard quand je lui ai tendu un billet de 20 euros. J’ai pas bien compris ce qu’elle bougonnait dans sa barbe en me montrant frénétiquement la machine rouge qui rend les pièces toute seule. En rentrant j’ai dit à JC qu’en France on a aussi des vraies avancées technologiques UTILES. Les Ricains qui sont germophobes, adoreraient ce genre de trucs je suis sûre, surtout par temps de covid. La machine n’était pas hyper bien réglée et m’a recraché à la figure une quantité astronomique de pièces jaunes qui se sont retrouvées sur le sol… Je suis sûre que si JC avait été avec moi, il m’aurait dit un truc du style : Typique des français :  ils ont des idées géniales, mais ils n’ont pas le génie de la mise en œuvre. 

Mais au moins, que je lui aurais rétorqué, je suis ressortie de la boutique avec plus que 2 mini-viennoiseries pour 20 euros. Figure-toi que les viennoiseries ici ne sont pas une denrée de luxe mais que tu peux te taper une sacrée cloche pour deux francs six sous. C’est comme les verres de vin au bistrot, vu que c’est 4 fois moins cher qu’aux US, je bois à chaque fois 4 fois plus pour le même budget. Si ça continue comme ça je vais finir aux alcooliques anonymes. En attendant, tu l’as bien compris j’espère : je REVIS.

A mes heures perdues, je vais chez MONOPRIX au rayon des yaourts surtout. Je peux y passer des heures. Fini le temps de la desperate housewife ascendant cendrillon qui faisait à la maison son pain, ses yaourts, ses galettes des rois j’en passe et des meilleurs. Mais j’ai un secret à t’avouer : il y a un truc bien que j’ai gardé des US … CHUT : c’est que c’est pas la peine de s’emmerder à faire le diner : en revenant j’ai découvert que Uber Eat ça existe en France thank God !!! Le progrès a traversé l’Atlantique. J’ai même pris l’abonnement premium. Un bonheur…  et puis au moins ici, ce qu’on nous livre, c’est bon. Nan, y a pas à en démordre : Je REVIS.. Je sais que ça t’énerve mais je revis…tout simplement.

Et j’oubliais…. les gamins ils se démerdent tout seuls pour aller à l’école, au foot, à la danse ou au conservatoire. Ils sont AU TO NO MEs. Pas de carpooling. En même temps vu c’que je bois, c’est pas plus mal :  Ici je suis une femme LI BE REEE, DELIVREE… je R.E.V.I.S quoi. Je peux aller voir mes copines housewives quand je veux.

Bon en même temps, je suis la seule housewife du quartier. Du coup, je dois t’avouer j’ai dû me trouver de nouvelles copines… je me suis fait un petit poulailler sur mesure, aux petits oignons… J’ai commencé par héberger Roussette mais même si je lui faisais la conversation…  la pauvrette s’embêtait, alors nous avons accueilli  Orangette, Noiraude, Kot Kot, Galinette, Dame Gertrude, Blanche de Castille, Zerlinette… Mais tu sais comme c’est avec la gente gallinacée, ça jacasse, ça papotte, et ça se crêpe le chignon. Du coup, pour ramener de l’ordre dans la basse cour, j’ai adopté un coq. J’ai beaucoup hésité sur le prénom. Il y avait bien le fameux Maurice de l’Ile l’Oléron, … déjà pris, et puis je voulais pas non plus risquer le procès…  .alors j’ai eu une illumination : j’ai opté pour un prénom moins français certes mais qui en jette un max : Donald. Je sais que cela irait mieux à un canard, mais J’ai pas pu m’empêcher. J’adore voir Donald Junior chanter fièrement les pieds dans la crotte sur son tas de fumier.  Mais c’est bizarre hein, il dit pas ‘cocorico’ il dit ‘Tremendous’. JC apprécie moyen que Donald le réveille en fanfare au lever du soleil. Comme il faut favoriser la biodiversité, j’ai ajouté un hôtel à insectes et un vermicompost pour les vers de terre, une mare pour les grenouilles. Nous avons désormais de véritables concerts …le soir aussi, pour faire bonne mesure. C’est formidable : on n’entend plus le bruit de la route des gardes.  J’ai bien remarqué que les voisins nous regardent maintenant d’un drôle d’œil. Il y en a un qui m’a suggéré : « plutôt que les poules, si j’étais vous, je mettrais des lapins »… Mais quelle bonne idée qu’je lui ai dit. Je vais me lancer dans le clapier de ce pas ». Je pensais appeler mon premier lapin Joe Robinette. Bidonnant non ? Il ne manque plus que le mouton pour tondre la pelouse, la vache et la chèvre pour le lait pour transformer la maison en hameau de Marie-Antoinette. En même temps, vu la taille du jardin, ça risque de ressembler à l’Arche de Noé… Comme je te le disais : ‘je radote…  mais…  je RE VIS’. On pourrait même dire, je suis RAVIE. Tout simplement.

Jean-Charles qui ne souhaite pas finir comme Louis XVI, a décidé de se trouver une activité loin de Marie-Antoinette. Trouver une nouvelle tocade n’a pas été aisé. Tu verrais la liste de ses passions passagères passées… (tiens mais je pourrais faire ça comme exercice de diction). C’est simple, on pourrait faire un inventaire à la Prévert …. D’abord le foot quand il était jeune : enfin surtout avec une bière devant la télé. Après le ballon rond, il s’est vu en haut de l’affiche et a décidé de brûler les planches, comme spectateur, puis acteur, puis producteur…. Puis il s’est lancé dans le cinéma… avec un certain succès puisque – comme tu le sais – il a monté les marches à Cannes. Il a aussi tenté, le piano vers 40 ans… puis le saxo… il a vite compris qu’il n’aurait pas de Grammy alors il a laissé tomber…, Du coup, il s’est lancé le défi d’avoir le Nobel de physique.. … dans un domaine pointu :  les supraconducteurs. Imagine… s’il avait réussi on aurait fait un grand pas pour lutter contre le changement climatique…Là, j’ai beaucoup espéré.  Pas de bol,… échec total, il n’a pas dépassé la 30ème page  du livre « Supraconducteurs’ pour les nuls ». Du coup, on est mal barrés pour ne pas dépasser les 2 degrés.  Bref, je digresse, tout ça pour te dire que je me demandais ce qu’il pourrait bien trouver de vraiment nouveau ? J’avais juste oublié que Steve notre voisin de Maramoneck, n’avait rien trouvé de mieux que de l’initier au poker. En quittant les Etats-Unis JC a eu une révélation : bye bye la vie de sportif, d’artiste ou de scientifique, il allait embrasser la carrière d’un joueur de poker professionnel !.  Tu sais que pour rentrer à Paris, le plus court chemin qu’il ait trouvé en venant de NY passait par LAS VEGAS. Alors là il a carrément explosé sa trace carbone. Maintenant, il écume les cercles de jeu parisiens.  J’ai peur qu’il n’hypothèque la maison… Mais la maison passe encore, imagine s’il hypothèque le clapier… ou encore pire le poulailler?!!! J’en tremble déjà. Finalement prix Nobel de physique c’était moins dangereux. …. Je te vois déjà te moquer de moi….Nan, en vérité, il faut bien avouer, au moins il ne m’embête pas au poulailler… je persiste et signe : je REVIS…

Seule, entre Marie-Antoinette et Patrick Bruel, Jade a du mal à trouver sa place… la pauvre chérie… surtout qu’elle découvre les plaisirs et la bienveillance du système scolaire français : classes de 35 élèves et professeurs qui t’encouragent chaudement en te disant qu’avec un 19 de moyenne, ‘c’est pas mal, continuez comme ça’. J’essaie de lui faire dire tous les jours dix : je REVIS’ mais ça marche moyen… elle me répond 10 fois par jour en gémissant : ‘C’est QUAND qu’on retourne aux US ? »

Qu’une chose soit bien claire réponds-je de manière inflexible : Quand mes poules auront des dents.

Allez faut que j’aille nourrir Roussette et le reste de la bande de copines.  

Je t’embrasse. Dis bien aux amis du Westchester, que le seul truc que je regrette vraiment des US, c’est quand même les amis.

Amicalement

Laurence

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